La peinture prise au mot

Publié par Michka 75

Roland, un ami, me fait le grand plaisir d'un commentaire fort intéressant sur le thème « Peindre les mots » que j'ai choisi récemment pour mon appel aux mailartistes. Je le reproduis en partie ici parce qu'il m'a permis de prolonger ma réflexion sur le rapport entre les mots et la peinture, sur la peinture des mots, les mots dans la peinture, on peut décliner cela de différentes et fructueuses façons.

« Parfois les murs ont la parole ! Et on aime plus ou moins ces messages qui visent à nous retourner

Quand des artistes peignent les mots, c'est tout un mystère qui s'offre au regard et qui met notre imagination en abyme ou en tension. Ce vertige là, je l'ai trouvé chez un peintre africain que j'ai découvert pour la première fois au musée d'art contemporain de Sérignan.

Chéri Samba inscrit souvent dans ses toiles des phrases ou des mots qui aident à penser l'image, à moins que les mots servent à mieux se pénétrer de l'image. Enfin , il se passe quelque chose : jamais l'expression lire une image n'a mérité autant cette qualification ! »

Qui est ce Chéri Samba que ce message m'a fait découvrir ? Peintre congolais autodidacte, il a obtenu une reconnaissance internationale. Certains de ses tableaux comme "L'Arbre" et « Paris est propre » (ci-après) illustrent à la fois la place qu'il accorde aux mots dans ses œuvres et son engagement. Avec lui, le tableau a son mot à dire. Pour ceux qui voudraient en savoir davantage, je recommande :

https://www.google.com/search?q=ch%C3%A9ri+samba+la+sagesse+du+savoir

Si l'on pense immédiatement à Mallarmé et Magritte lorsqu'on évoque le lien entre l'écriture et la peinture, il faut se rappeler que les premières formes d'écriture furent des dessins comme le montre l'étymologie de grapheïn : initialement "égratigner, écorcher" puis "tracer des signes pour écrire ou pour dessiner", "graver". Du reste, depuis le VIIIe siècle, ce mot a désigné aussi bien l'écriture que le dessin. Les lettrines et les enluminures des manuscrits du moyen âge associaient texte et image, mais chacun restait dans son domaine strict.. La révolution Dada et le surréalisme qui a suivi ont en revanche subverti la fonction représentative de chacun de ces langages : "Ceci n'est pas une pipe".  Cette façon d'interroger le lien entre signe verbal et signe iconique a produit des combinaisons variées allant de l'illustration du texte par le peintre telle Sonia Delaunay pour "La Prose du Transsibérien"  au poème - dessin avec  les "Calligrammes" de Guillaume Apollinaire. L'abolition des frontières qui les maintenaient à distance, même si le mot avait sa place sur les toiles de Rembrandt, Van Gogh, Manet et bien d'autres, a créé une extraordinaire effervescence artistique entre les années 50 et 70. Rappelons les « Tableaux poèmes » de Jean Cortot (1925 – 2018), et les logogrammes de Christian Dotremont (1922 – 1979) où les lettres s'étirent, se chevauchent, se confondent en un dessin à l'encre de Chine (voir ci-dessous).  La correspondance rimbaldienne entre la lettre et l'image, synestésique ou non, a ouvert un vaste champ de recherches artistiques et s'est étendu à d'autres arts visuels comme la danse. Vaste sujet offert à notre réflexion de "passant du monde".

 

image 1 Chéri Samba  image 2 C. Dotremont        image 3 Chéri Samba image 1 Chéri Samba  image 2 C. Dotremont        image 3 Chéri Samba image 1 Chéri Samba  image 2 C. Dotremont        image 3 Chéri Samba

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